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L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Uncass) s’est mobilisée contre ce projet, qu’il voit comme une régression. Le gouvernement a finalement renoncé, en tout cas pour l’instant. Martial Bourquin, maire d’Audincourt (Doubs, 14 009 habitants) et vice-président de l’Unccas, nous explique pourquoi le CCAS est irremplaçable.
Entretien.
La Lettre du Maire : la proposition gouvernementale ne fait qu’étendre à toutes les communes une disposition applicable aux communes de moins de 1 500 habitants depuis 2015.
Martial Bourquin : oui et c’est étonnant car, depuis 2015, la France a connu le Covid et, à cette occasion, les CCAS ont prouvé leur efficacité. Dans ma commune de 14 000 habitants, par exemple, grâce au CCAS et à nos travailleurs sociaux, nous avons pu démarcher des entreprises pour trouver des masques, mettre en place des centres de vaccination, rester en contact avec les personnes fragiles en les appelant quotidiennement. A cette occasion, le CCAS a démontré son utilité. De nombreux territoires traversent une crise sociale aigüe que les technocrates parisiens ne soupçonnent pas. Ainsi, dans le Pays de Montbéliard, dans le Doubs, et l’exemple n’est pas isolé, on est passé, en quelques années, de 40 000 emplois industriels à 5 000. On estime que 14,5% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et, dans les territoires anciennement industrialisés, c’est beaucoup plus. Qui s’occupera de cette population ? En outre, la population est vieillissante. On attend depuis des années une loi sur le grand âge. En attendant, le CCAS maintient le lien avec des personnes âgées souvent isolées.
La LDM : on vous répondra que la proposition gouvernementale n’enlève aucune compétence aux communes ; elle leur offre seulement la possibilité de se passer d’une structure.
M.B : c’est, à mon avis, une vision technocratique de la situation. On ne s’improvise pas travailleur social. Un fonctionnaire territorial ne peut pas du jour au lendemain, devenir travailleur social. Le CCAS, ce ne sont pas des agents derrière un guichet attendant des personnes qui ont besoin d’un soutien. Il y a tout un travail invisible. Le travailleur social se déplace sur le terrain pour identifier les personnes qui ont besoin d’aide. On évalue à 30 % les personnes qui pourraient prétendre à des aides et ne les demandent pas. Elles ne peuvent pas être atteintes par une administration classique. Il faut aller vers eux, essayer de comprendre pourquoi ils ne font pas les démarches et les aider à les faire. Le CCAS est l’interlocuteur privilégié des personnes en difficulté, et je relève, dans le même temps, que les centres sociaux connaissent, eux aussi, de grandes difficultés.
Par ailleurs, comme vous le dites, la faculté de ne pas créer un CCAS n’affecte pas les compétences de la commune. Les dépenses sociales subsisteront. Souhaite-t-on réduire à la marge les dépenses de fonctionnement ? Il faut savoir que, pour les communes de petite taille, aux moyens limités, des solutions existent déjà avec la mutualisation et la création de CCAS intercommunaux. J’ajoute que l’administration classique ne pourra pas remplacer le CCAS dans sa singularité : au sein du conseil d’administration siègent non seulement des élus mais également des représentants d’associations qui connaissent le tissu social. Abandonner cette gestion paritaire pour une approche purement administrative serait une perte irréparable.
La LDM : si je me fais l’avocat du gouvernement, on peut soutenir que sa proposition n’empêche pas la commune qui le souhaiterait de créer un CCAS. Elle laisse simplement une liberté.
M.B : oui, et nous aurons donc une aide sociale à deux vitesses. On le voit, par exemple, pour la loi SRU et l’objectif de compter 25 % de logements sociaux. Certaines communes choisissent de ne pas respecter l’objectif et préfèrent payer des pénalités financières.
Michel Degoffe le 17 juin 2025 - n°2368 de La Lettre du Maire
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