Éditions Sorman

Le dispositif est de plus en plus connu sous son acronyme anglo-saxon : PPA (power purchase agreement). Il désigne un contrat d’achat direct conclu entre un producteur d’électricité et un consommateur. Plutôt que de contractualiser avec un fournisseur, qui s’alimente sur un marché mondial dont les prix ont explosé, il s’agit de s’adresser, sans intermédiaire, à un producteur local proposant un tarif du KWh plus avantageux. Pas si simple pour les collectivités, car le code de la commande publique (article R. 2111-7) proscrit toute référence à « une provenance ou origine déterminée. » Le « localisme » est d’autant moins permis qu’un électron possède des propriétés physiques identiques quelle que soit son origine de production, et qu’il circule aisément à travers l’ensemble du réseau électrique national.
Dès lors, la liberté de choix est restreinte : acheter de l’électricité auprès d’un fournisseur mais au prix fort ou s’alimenter en auto-consommation (grâce à des panneaux photovoltaïques sur ses bâtiments par exemple), sans que cela suffise à couvrir la totalité des besoins énergétiques.

Un montage tripartite

Une troisième voie est pourtant possible en mentionnant dans l’objet du marché l’intégration d’électricité d’origine renouvelable. En permettant de faire référence à une « méthode spécifique de production » (article R. 2111-4), le code de la commande publique permet à des opérateurs capables d’intégrer une part de production locale d’ENR dans leur offre, de mieux s’en sortir.
Une voie suivie avec succès par la communauté d’agglomération du Grand Châtellerault (Vienne, 84 904 habitants, 47 communes) qui a déjà investi dans une centrale de production d’électricité photovoltaïque d’une capacité de production annuelle de 300 MWh. Plutôt que d’injecter dans le réseau national cette électricité qui est produite à 8 km de Châtellerault, les élus ont souhaité qu’elle alimente les bâtiments publics locaux. « Le PPA a été signé entre un agrégateur et un producteur car nous ne sommes pas autorisés à signer ce type de contrat directement », avertit Evelyne Azihari, vice-présidente du Grand Châtellerault en charge de l’énergie. Ce montage concerne une partie du marché, soit 1 GWh sur 3,5 GWh, sous la forme d’un lot intégrant la production d’ENR. Ce lot a été attribué à une start-up française (Selfee) qui joue le rôle d’agrégateur. Elle se fournit en électricité auprès d’un fournisseur (ApexEnergies) spécialisé dans l’énergie photovoltaïque qui intègre celle provenant de la centrale du Grand Châtellerault.

Un moyen d’amortir la hausse des prix de l’électricité

Ce type de montage est légal et avantageux pour la collectivité : « Nous nous sommes engagés à acheter cette électricité à un prix fixe qui est inférieur au marché », précise l’élue. Alors que les prix libres ont dépassé les 300 €/MWh, le contrat avec Selfee permet au Grand Châtellerault de payer cette partie de son électricité 250 €/MWh. La rentabilité de la production de la centrale locale a également permis de rembourser en deux ans l’investissement (250 000 €). Ce PPA, certes par des voies indirectes (le contrat de fourniture est signé entre Selfee et ApexEnergies), protège donc la collectivité d’une partie des variations des prix sur le marché de l’électricité. «Nous avons un accord cadre de quatre ans avec des marchés subséquents tous les ans qui nous permettront de tirer parti des évolutions favorables », précise la vice-présidente. Ce pari, jusqu’ici gagnant, n’est pourtant pas sans risque. Pour que les conditions du marché soient respectées, l’agrégateur doit aussi y trouver un avantage financier donc limiter ses achats d’électricité sur le marché libre. Il est alors impératif de limiter les pics d’appel de puissance aux moments où le réseau électrique est le plus sollicité.
Dans cette situation, la réponse aux besoins de consommation implique d’aller chercher le complément d’électricité aux tarifs les plus élevés. « Nous avons étudié nos courbes de consommation, site par site, et nous travaillons sur leur optimisation lorsque nous avons constaté des dérives, par exemple sur des piscines, des équipements sportifs ou l’éclairage public », indique l’élue qui a travaillé en concertation avec les associations locales. Pour éviter d’éclairer le stade, certains horaires de matchs ont ainsi été décalés. Un effort indispensable pour que le contrat avec Selfee reste profitable pour les deux parties.

Jean-Philippe ARROUET le 07 février 2023 - n°2258 de La Lettre du Maire