Éditions Sorman

« Notre adaptation aux nouveaux critères a été lente », reconnaît Gérard Legay, maire de Les-Hauts-de-Caux (Seine-Maritime, 1 385 habitants). L’élu n’hésite pas à évoquer un « rappel à l’ordre » à propos des préconisations du jury du label « Villes et villages fleuris », en 2021. Les-Hauts-de-Caux avait pourtant un fleurissement exemplaire, récompensé par les quatre fleurs du label, depuis 1985. Pas facile de surcroît de remettre en cause des pratiques appréciées des habitants. Ce constat un peu brutal n’a cependant pas arrêté la commune dans son élan puisqu’elle est parvenue à conserver ses 4 fleurs, y ajoutant même une « fleur d’or ».

Diversifier les végétaux

« Nous avons planté plus de vivaces et davantage de variétés tout en travaillant sur les volumes », explique Gérard Legay. Le choix de végétaux de hauteurs variées a ainsi compensé la disparition des alignements de fleurs impeccables, sans donner l’impression visuelle d’un appauvrissement. Surtout, cette évolution a permis une diversité, des plantes comme des arbres. « Nous avons replanté près de 1 000 arbres en 2023, nous avons maintenu les talus végétalisés et adapté les tontes par secteur », précise l’élu.
Le nouvel environnement est devenu plus propice à la biodiversité et plus robuste face au changement climatique. Les hêtres, très vulnérables face au réchauffement, sont progressivement remplacés. Il a fallu cependant expliquer cette politique avec des panneaux d’information. La ville a en outre maintenu une tradition de participation des habitants au fleurissement.
Chaque mois de mai, les volontaires sont invités à prêter main-forte aux jardiniers municipaux pour repiquer des platebandes. Par ailleurs, le label ne se limite plus aux végétaux mais aborde d’autres enjeux écologiques comme la préservation de la ressource en eau. « Pour l’arrosage, nous avons des cuves de récupération d’eau sur les ateliers municipaux et à la mairie. Nous n’utilisons jamais d’eau du réseau », annonce Gérard Legay qui, hormis ces plus de 10 000 m³ disponibles, peut demander à puiser dans les cuves des habitants, en cas de besoin. Ces évolutions ont été bien reçues par les habitants comme les visiteurs, comme en témoigne l’attractivité de la commune. « Les transactions immobilières se font rapidement », se réjouit élu.

Un écosystème vertueux

L’impératif d’une gestion plus respectueuse de l’environnement s’est également imposé à Coglès (Ille-et-Vilaine, 637 habitants) qui a fusionné avec deux communes voisines pour former Les Portes-du-Coglais. Pour conserver ses « 4 fleurs », la mairie a pu compter sur des agents investis dans l’horticulture avec trois serres municipales qui permettent d’obtenir plus de 300 variétés de graines et de plants, dont certaines parfois impossibles à trouver en jardinerie. Les agents ont ainsi créé des grands massifs de vivaces et végétalisé les pieds de murs, tout en incitant les habitants à en faire autant devant chez eux. « Nous pratiquons ainsi une seule taille par an », témoigne Christophe Letendre, responsable des services techniques.
La commune a surtout adapté ses pratiques pour consommer moins de ressources. « Au service des espaces verts, nous n’allons jamais à la déchetterie », se félicite le responsable. A l’exception des fleurs en plastique, présentes sur les tombes du cimetière, tout se recycle. Les pots en plastique se réutilisent, les déchets verts sont transformés en compost et les résidus de taille, broyés. « En 2023, nous avons broyé 50 tonnes de ligneux, soit 150 m3 », précise Christophe Letendre. Pour de tels volumes, la mairie loue un puissant broyeur à une coopérative d’utilisation du matériel agricole (Cuma). Coglès en retire des copeaux qu’elle revend comme combustible (50 € la tonne). Le gain réalisé représente environ 2 500 € par an, ce qui couvre le coût de la location du broyeur.
Quant au cimetière, Coglès l’entretient sans produits phytosanitaires en choisissant d’enherber toutes les surfaces disponibles à l’exception des espaces entre les tombes, toujours désherbés au chalumeau. La tonte se limite à une seule par an et les résidus viennent alimenter la production de compost.
Ailleurs dans la commune, les jardinières ont disparu, sauf devant la mairie. La commune plante également des arbres (un millier par an), ce qui a déjà permis d’aménager une aire boisée pour les camping-cars. Le site est apprécié pour son caractère naturel et permet de séjourner au frais, à l’abri de la canopée. Ainsi, malgré l’évolution du climat, la commune a pu, en s’accrochant à ses « 4 fleurs », préserver son paysage et son attractivité touristique.

Jean-Philippe ARROUET le 04 juin 2024 - n°2320 de La Lettre du Maire