Pour être condamné en tant que gestionnaire public, le maire doit avoir un intérêt personnel dans l’affaire Abonnés
Rappelons que, depuis le 1er janvier 2023, l'ordonnance du 23 mars 2022 et son décret d'application du 22 décembre 2022 ont supprimé le régime historique de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et instauré un régime de responsabilité unifié, commun à l'ensemble des acteurs de la chaîne financière (comptable public, maire, cadre territoriaux…) : le régime de responsabilité des gestionnaires publics.
Ainsi, le juge peut sanctionner certaines infractions spécifiques : faute relative à l’exécution des recettes et des dépenses et à la gestion des biens, faute de gestion ayant entraîné un préjudice financier significatif, engagement de dépense sans respecter les règles de contrôle budgétaire, défaut de qualité d’ordonnateur, échec à la procédure de mandatement d’office…
Attention, la responsabilité financière des élus peut être engagée dans 3 cas : inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte, gestion de fait et octroi d’avantages injustifiés consentis à autrui ou à soi-même.
L’octroi d’un avantage injustifié est un motif suffisant pour mettre en jeu la responsabilité financière d’un maire…
Dans une affaire (Cour des comptes, 16/12/2024, n°S-2024-1528), le maire de la commune de Richwiller (Haut-Rhin, 3 786 habitants) avait réquisitionné le comptable public à deux reprises, en novembre 2022 et novembre 2023, alors que ce dernier avait refusé le paiement d’une prime de fin d’année irrégulière. Il s’avère que le maire souhaitait éviter une tension avec les agents tenant leur prime de fin d’année pour un avantage acquis.
En effet, bien que versée aux agents depuis de nombreuses années, cette prime ne s’appuyait pas sur une délibération du conseil municipal permettant de lui conférer un caractère dérogatoire. La Cour des comptes a donc considéré que le paiement sans base légale d’une telle prime entraine un préjudice financier pour la commune.
La Cour a alors condamné le maire à une amende de 1 000 €, sur la base de circonstances atténuantes liées à sa bonne foi. En effet, le versement de cette prime était très ancien et s’appuyait sur une délibération prise en 1997 par le conseil municipal. Par ailleurs, la position et l’interprétation des comptables publics successifs n’avait pas été constante.
…mais à condition d’établir l’intérêt personnel du maire dans l’affaire
Saisie par le maire, la Cour d’appel financière a d’abord relevé que « c’est à bon droit que la Cour des comptes a jugé que, du fait du manquement du maire à ses obligations, les agents concernés avaient bénéficié d’un avantage pécuniaire injustifié, à défaut de base légale fondant les versements, ayant nécessairement entraîné un préjudice financier pour la commune de Richwiller ».
Dans cette affaire (arrêt d'appel - 20/06/2025 - Commune de Richwiller (Haut-Rhin) - affaire n° CAF-2024-03 - n° 2025-04), la Cour d’appel financière apporte un éclairage particulièrement intéressant – et surtout rassurant – pour les élus locaux mis en cause dans le cadre la responsabilité financière des gestionnaires publics, en particulier à la suite de l’octroi d’un avantage injustifié.
En effet, la Cour précise que pour caractériser l’infraction relative à l’octroi d’un avantage injustifié, une condition doit être remplie : le gestionnaire public doit avoir agi par intérêt personnel direct ou indirect.
La Cour estime que « la circonstance que le maire aurait eu comme objectif d’éviter un conflit social au sein du personnel communal, ce qu’aucun élément du dossier ne vient au demeurant accréditer, ne suffit pas à établir qu’il aurait agi par intérêt personnel. À supposer même que cette préoccupation n’ait pas été totalement étrangère à sa décision de requérir la comptable publique, si M. X, en cherchant à éviter l’interruption soudaine du paiement d’indemnités versées de bonne foi depuis plus de quarante ans et considérées par les agents, les maires et les comptables successifs jusqu’alors comme un avantage collectivement acquis, aurait certes prévenu le désagrément personnel d’avoir à gérer une possible situation de crise, il aurait surtout évité que ne soit perturbé le fonctionnement des services publics communaux ».
Olivier Mathieu le 08 juillet 2025 - n°2371 de La Lettre du Maire
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