La forêt sanctuaire, un cimetière écologique Abonnés
Le modèle allemand adapté en France
Un tel cimetière s’inscrit bien dans l’époque de la transition écologique, mais ses origines sont antérieures : il en existe déjà depuis des années en Allemagne. S’en inspirant, Denise Heilbronn a fondé, en 2017, l’association « Au-delà des racines » (www.foretsanctuaire.org) qui accompagne les communes dans le montage de ces projets. Elle y voit une réponse à la saturation des cimetières, à l’augmentation des prix des m² de terrain et à la nécessité de maîtriser l’artificialisation des sols. Sans compter la difficulté épargnée aux enfants de revenir fleurir des tombes, parfois éloignées de chez eux. L’idée de la forêt sanctuaire est surtout de faire surgir un espace naturel dans lequel la faune et la flore s’accordent. L’objectif est « d’avoir le minimum d’impacts et de laisser l’écosystème se mettre en place », résume Denise Heilbronn, qui guide les élus, en préservant la biodiversité. « Il ne faut pas être dans des champs d’arbres ni dans la monoculture », met-elle en garde. « Au-delà des racines » estime à une année environ le temps préparation et de réalisation des projets qu’elle accompagne. Sa mission, facturée moins de 10 000 €, comporte également des aspects juridiques. Pas question, par exemple, de choisir des urnes en carton car elles doivent être imputrescibles. « Comme il s’agit d’une concession, l’urne ne doit pas être biodégradable car il s’agirait alors d’une dispersion des cendres, or celle-ci doit être gratuite », avertit la fondatrice. Un projet a d’ailleurs échoué devant les tribunaux administratifs pour ce motif.
Des cimetières écologiques et rentables
Muttersholtz (Bas-Rhin, 2 164 habitants) a ouvert la première forêt sanctuaire française en janvier 2023. « Les urnes sont en pierre ou en céramique pour assurer la réversibilité des concessions », précise le maire, Patrick Barbier, qui dit avoir tout fait pour « ne pas être retoqué au contrôle de légalité ». Il est notamment parvenu à respecter l’obligation de clôture du cimetière sans édifier « un mur de Berlin » en pleine forêt. Cette parcelle, qui compte 13 petits arbres, 25 moyens et 4 grands, est ceinturée de petits piquets, hauts de 20 cm, supportant une cordelette délimitant, presque symboliquement, l’espace. Il suffit de bien lever les pieds en marchant pour pénétrer dans la forêt sanctuaire.
Autre option à Schiltigheim (Bas-Rhin, 33 978 habitants), où un demi-hectare d’arbres a été planté dans le cimetière. « Nous avons 56 arbres d’essences diverses avec, chacun, six concessions de quatre urnes », précise Recai Sahin, chef du service funéraire, qui gère ces concessions depuis l’ouverture du site en septembre 2023.
L’aménagement d’une forêt sanctuaire est moins onéreux qu’un cimetière traditionnel. « Il n’y a pas d’études géologique et hydrologique préalables car il n’y a pas de corps », indique Denise Heilbronn. A Muttersholtz, l’investissement a représenté 50 000 €, amorti en moins d’un an grâce aux concessions trentenaires, facturées 400, 600 ou 800 € selon la taille de l’arbre (ces tarifs étant majorés pour les personnes qui n’habitent pas la commune). « C’est aussi un nouveau modèle économique. La forêt peut être rentable », indique Denise Heilbronn. A Sommerau, la mairie a réduit le loyer du locataire de son domaine de chasse lorsqu’il a été amputé de deux hectares (dont un comme réserve foncière), mais elle compte sur les concessions autour de ses 48 arbres pour, au moins, combler ce déficit de ressources.
Jean-Philippe ARROUET le 23 juillet 2024 - n°2327 de La Lettre du Maire
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