Branche dépendance : L’Etat est loin du compte Abonnés
Entretien.
La Lettre du Maire : comment est né votre collectif ?
Xavier Compain : Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales, est venue au printemps dernier rencontrer les maires de Côtes-d’Armor dans ma commune. A cette occasion, plusieurs de mes confrères et moi-même lui avons fait part des difficultés considérables que nous rencontrons dans la gestion de nos EPHAD. Je suis bien placé pour le savoir puisque, dans ma commune, il y a deux EPHAD, l’un communal et pris en charge par le CCAS, et l’autre associatif, sans but lucratif, comme c’est courant en Bretagne. En 2023, les deux établissements, public et privé, vont connaître un déficit très important. C’est d’ailleurs l’EPHAD privé qui m’a alerté le premier.
La LDM : comment s’expliquent ces difficultés ?
X.C : les choses sont assez simples. Au premier trimestre de l’an dernier, la facture d’électricité était de 35 000 euros pour notre EPHAD. Il est passé à 125 000 euros au premier trimestre cette année.
La LDM : vous évoquez également les charges de personnel. On sait pourtant que la plupart des agents de ces établissements ont des revenus modestes ?
X.C : bien entendu. Mais ce qui a choqué beaucoup de maires, c’est l’attitude, assez habituelle, de l’Etat : le gouvernement annonce la bonne nouvelle, une prime de 300 à 800 euros pour les agents des collectivités territoriales, mais à charge pour celles-ci de dégager les ressources nécessaires. C’est un peu la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
La LDM : c’est-à-dire ?
X.C : on assiste à un désengagement de l’Etat qui demande aux communes de prendre le relais sans moyens financiers supplémentaires. Ma commune a perdu sa perception, sa caisse des allocations familiales, la permanence MSA (mutualité sociale agricole). Pour combler ce vide, l’Etat a lancé les maisons France services. La commune a recruté un agent grâce au soutien financier de l’Etat mais ce soutien n’est pas éternel. Un jour proche, la commune devra prendre en charge le coût de la maison France services. Autre exemple : il y a quelque temps, l’Etat a annoncé la fermeture des sous-préfectures l’après-midi, ce qui posait un problème pour l’instruction des demandes de pièces d’identité. La commune a donc accepté de prendre en charge cette tâche, l’Etat finançant le recrutement d’un agent. Mais là encore, le financement est provisoire. L’Etat ne peut pas adopter le même comportement à l’égard de la dépendance. Sa prise en charge relève de la solidarité nationale. L’Etat a d’ailleurs créé une branche dépendance. Il ne faut pas en rester là et lui donner des moyens.
La LDM : les EPHAD ne sont-ils pas voués à être déficitaires ?
X.C : c’est vrai que le coût de séjour dans un de nos EPHAD est de 2000 à 2400 euros par mois. Dans notre région, les retraités n’ont pas de pensions mirobolantes. Ce sont souvent d’anciens agriculteurs (la retraite est en général de 800 euros), ouvriers, ou retraités de la marine. Le reste à charge est donc important et pèse sur les familles. Quand les finances le permettaient, le budget de la commune pouvait abonder celui du CCAS. Mais les temps ont changé.
La LDM : que propose votre collectif ?
X.C : que l’Etat comprenne qu’il faut créer une véritable branche dépendance. La ministre nous a indiqué qu’elle était dotée de 6 milliards d’euros mais il faut beaucoup plus. Il nous semble que le régime doit être financé par des cotisations pesant sur les revenus, sur le modèle de ce qui prévaut pour les autres branches. Notre initiative sera reprise par l’AMF qui en fera un des thèmes du prochain congrès. Nous envisageons également une action contre l’Etat pour « rupture de politique publique ». Nous réclamons une loi grand âge qui garantira l’universalité du régime, en particulier pour les plus modestes.
Les règles traditionnelles du service public devraient également être mobilisées dans ces temps difficiles. Les EPHAD sont structurellement déficitaires, mais, cette année, la crise est aigüe en raison de l’augmentation des prix de l’énergie. EDF est une entreprise publique (redevenue entièrement la propriété de l’Etat) : elle pourrait s’abstenir de faire supporter aux EPAHD l’augmentation considérable du prix de l’énergie, ou alors il faut que l’Etat prenne en charge cette augmentation.
Michel Degoffe le 24 octobre 2023 - n°2291 de La Lettre du Maire
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