L'aménagement des rythmes scolaires est une réforme imprégnée de bons sentiments.
Permettre aux enfants, trois heures par semaine, de pratiquer des sports, apprendre une langue étrangère ou les beaux-arts ne peut qu'améliorer leur formation de base. Ceci se pratique dans la plupart des pays européens. Reste l'exécution, aléatoire. D'un côté, l'État reste totalement maître de l'Éducation nationale, des programmes et de la gestion des enseignants et, de l'autre, il transfère aux 24 000 communes qui ont une école publique, la charge du "divertissement" hors école. C'est contradictoire dans la pratique et dans le financement. Les maires chargés du "périscolaire" ne vont pas nécessairement s'entendre avec les enseignants sur lesquels ils n'exercent aucune influence : on risque l'incohérence entre les programmes scolaires et les activités autres. La charge transférée sur les communes est gigantesque : les maires doivent imaginer des activités, réorganiser les garderies, les transports, les cantines, trouver des locaux, des animateurs, des projets. Ce n'est pas évident et cela exigera des années d'expériences et de tâtonnements. Et à quel prix ? Le gouvernement s'est engagé à verser une compensation maximum de 144 € par enfant. L'Association des maires de France (AMF) estime que le coût moyen sera de 150 € par enfant, dans un contexte de baisse des recettes fiscales et des dotations. L'AMF s'inquiète donc du financement, mais cela ne me paraît pas le risque principal. Faute de moyens et de préparation, le risque est de voir toutes ces activités périscolaires se transformer en simples garderies.
Si l'on compare le projet français avec les pratiques européennes, on constate qu'ailleurs, les autorités locales sont responsables à la fois de l'enseignement principal et des activités complémentaires. Décentraliser ces activités complémentaires tout en ne touchant pas au bastion de l'Éducation nationale est une promesse d'échec plus préoccupante encore que le transfert de la charge financière aux collectivités locales.
Guy SORMAN le 09 septembre 2014 - n°1870 de La Lettre du Maire