Éditions Sorman

Rien n’a changé ou presque depuis qu’Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès ont présenté leur rapport consacré à l’assurabilité des collectivités locales. Un immobilisme menaçant l’équilibre financier des communes qui se trouveraient sans aucune couverture. La commission des finances du Sénat s’empare donc à son tour du sujet en organisant des auditions d’assureurs et de collectivités, début mars. La Haute assemblée avait auparavant saisie l’Autorité de la concurrence dont l’avis* contenait quelques recommandations à l’attention des collectivités : améliorer la connaissance de leur patrimoine, se faire accompagner pour la passation de leur marché, pratiquer l’allotissement, allonger les délais de passation.

Les communes, des clients peu rentables

« Pourtant, dans notre commune, les assureurs prennent un risque limité », observe Didier Lechien, maire de Dinan (Côtes-d’Armor, 15 542 habitants). Avec ses maisons à pans de bois, ses 76 monuments classés et ses 30 km de remparts du XIIème siècle, la cité bretonne a un temps douté de retrouver un assureur susceptible de couvrir un tel patrimoine, en plus de ses autres bâtiments et équipements publics. A l’exception d’un incendie dans un de ses trois parkings souterrains, la ville présente pourtant un profil de risque favorable : elle n’a pas été touchée par les émeutes urbaines de juillet 2023 ni par des catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique. Certes, ses remparts risquent d’être fragilisés mais Dinan, qui a déjà connu des effondrements partiels, a engagé des travaux de confortement.
La situation s’est compliquée après la fusion entre son assureur, la MAIF, et la SMACL, qui a entraîné une dénonciation du contrat au 31/12/2023. Une décision que le maire attribue en partie à l’augmentation de sa sinistralité, après l’incendie du parking souterrain, mais également à une logique commerciale. « Les assureurs se désintéressent du marché des collectivités locales car il n’est pas rentable », affirme l’élu. Sans attendre, la ville a organisé un appel d’offres pour trouver un nouvel assureur mais qui s’est avéré infructueux. Pour tenter d’alléger la procédure, Dinan entame ensuite une procédure négociée. « Ce fut un échec, les compagnies nationales n’ont même pas répondu », déplore Didier Lechien.

Renoncer à tout assurer

Juridiquement, rien n’oblige la commune à assurer ses biens mais elle court un risque financier qui s’évalue en millions d’euros pour le budget général. Quant à provisionner ce risque, comme le ferait un assureur, les règles de la comptabilité publique l’interdisent. « Le budget serait insincère » explique l’élu, qui rappelle également qu’une telle provision immobiliserait des sommes sans pouvoir les utiliser. En outre, l’adoption de la M57 a rendu quasi-impossible cette inscription comptable. C’est pourquoi, Dinan a fait appel à un cabinet de courtage international, WTS (Willis Towers Watson) pour trouver des assureurs étrangers, en l’occurrence une compagnie américaine, mais qui ne s’intéresse qu’à 50 % du périmètre à couvrir. Il faudra un deuxième assureur, japonais cette fois-ci, pour que la ville soit à l’abri. Pas à n’importe quel prix, car la prime a augmenté à 280 000 € par an (contre 200 000 € avec la MAIF). Pour éviter un renchérissement de la prime, Dinan a dû renoncer à la couverture de 2,8 km de remparts. Mais ce sont surtout les franchises qui ont bondi jusqu’à 1 M€. « Nous avions le choix entre accepter cette proposition et ne plus avoir d’assureur du tout », tranche Didier Lechien. Avec de tels niveaux de franchise, la ville devient, de fait, son propre assureur pour tous les dégâts d’ampleur non exceptionnelle.

Préparer son CCTP

« Le seul point d’amélioration concerne les bâtiments garantis en valeur de reconstruction à l’identique, ce qui n’était pas le cas avant », tempère le maire, qui souligne l’importance de bien connaître son patrimoine. L’élu insiste également sur la rédaction du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qui mérite des échanges avec le courtier et l’assureur pour définir des solutions pragmatiques. Il faut en effet intéresser mais aussi rassurer les compagnies, qu’elles soient américaines ou japonaises, prêtes à investir sur le sol français. Ce qui passe par une meilleure maîtrise des risques, attestée par différents documents comme, à Dinan, un SDIE (schéma directeur immobilier et énergétique) et un PCS (plan communal de sauvegarde).

* « Avis n° 25-A-04 du 23/01/2025 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales », disponible sur www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2025-01/25a04.pdf

Jean-Philippe ARROUET le 11 mars 2025 - n°2354 de La Lettre du Maire