Maintenir les services publics dans les territoires ruraux Abonnés
La Lettre du Maire : on assiste ces derniers temps à la réouverture de sous-préfectures et le retour de l’Etat passe aussi par les maisons France Service. Le coût annuel moyen de fonctionnement d’une antenne France service est de 140 000 euros par an, essentiellement des charges de personnel. Ne doit-on pas avoir des craintes sur la pérennité du financement de ces maisons ?
Pierre Morel-A-L’Huissier : tout n’est pas encore parfait. J’ai beaucoup écouté les délégués départementaux du Défenseur des droits. Ils ont le sentiment que, dans les territoires, les usagers ne trouvent plus d’interlocuteurs. On ne peut pas exclure que des mouvements tels que celui des gilets jaunes s’expliquent par ce manque de communication. On peut saluer la réussite des maisons France service mais, même si l’Etat prend en charge leur installation, c’est aussi un moyen pour lui de faire financer l’accès aux services publics par les communes et intercommunalités. Ajoutons que l’on ne sait pas si le financement de l’Etat ira au-delà des trois ans fixés et que toutes les administrations de l’Etat ne jouent pas le jeu. Cela marche plutôt bien, par exemple, avec les impôts, mais c’est moins dans la culture des préfectures.
La LDM : L’accès aux soins est naturellement un chapitre important du rapport. 63 % des territoires ruraux manquent de généralistes. Vous citez un chiffre alarmant : l’espérance de vie accuse un écart entre la population rurale et la moyenne nationale qui s’est aggravé ces trente dernières années ; il est de 1,8 année de moins pour les femmes et 1,3 année pour les hommes. Vous évoquez plusieurs mesures qui devraient à terme améliorer les choses (dont la suppression du numérus clausus). Vous ne croyez pas à la contrainte consistant à obliger les médecins à s’installer en zone rurale ?
P.MALH : non, il est vrai que l’exercice libéral de la médecine avec un financement public devrait s’accompagner de quelques contraintes, mais l’idée ne va pas de soi.
La LDM : parmi vos propositions, il y a celle de soutenir financièrement le « dernier commerce rural » qui joue systématiquement un rôle de service public ?
P.MALH : oui, c’est une de mes préoccupations. Un village qui perd sa dernière épicerie ou son dernier bar perd tout attrait. Pour favoriser le maintien de son commerce, souvent à la forte amplitude d’ouverture, il ne faut pas hésiter à leur confier des missions de service public puisque les administrations ont déserté.
La LDM : vous indiquez que la couverture numérique du territoire avance bien. Mais il reste des problèmes ?
P.MALH : oui, souvent parce qu’Orange a conclu de nombreux marchés publics s’engageant à assurer la desserte par enfouissement de la totalité du territoire. En pratique, Orange constate que l’enfouissement coûte cher et le remplace par des poteaux, et alors le hameau avec deux ou trois maisons n’est pas desservi.
La LDM : s’agissant des transports, depuis la loi d’orientation des mobilités de 2019, la communauté de communes peut être autorité de mobilité. Mais, concrètement, que peut faire une intercommunalité rurale pour améliorer les transports de ses habitants ?
P.MALH : la question est difficile. On peut songer à développer le transport à la demande, mais avec un risque d’opposition des commerçants locaux, qui suspectent ce service de les priver de leurs clients.
La LDM : afin de favoriser le retour des urbains dans les communes rurales, il faudra s’appuyer sur le télétravail et développer les tiers-lieux, notamment des espaces de coworking. Est-ce que les communes peuvent avoir des aides pour développer ces lieux ?
P.MALH : oui, cela a été une découverte pour nous. Nous avons rencontré le groupement d’intérêt public Tiers lieux qui peut aider les communes à installer ces espaces de travail. La commune peut également obtenir des financements de l’Etat ou de fondations.
Michel Degoffe le 25 avril 2023 - n°2269 de La Lettre du Maire
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