Localisme : dans quels cas recourir au critère géographique ? Abonnés
L’allotissement géographique pour réduire les coûts d’intervention
Dans une affaire (TA Paris, 28/05/2024), l'office public de l'habitat (OPH) Paris Habitat a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un marché de services, relatif à la réalisation de missions liées au portage de personnes à mobilité réduite. La société Solution d'Assistance à Mobilité Verticale (SAMV), soumissionnaire évincé, réclame l'annulation de la procédure de passation du marché.
Saisi, le tribunal administratif indique que « la décision de Paris Habitat de se borner à une division du marché des prestations précitées en deux lots correspondants aux différents lieux d'exécution des travaux, regroupant, d'une part, pour le lot n°1, les directions territoriales Nord-est, Nord-Ouest et la direction des territoires métropolitains, soit 2 350 ascenseurs pour une moyenne estimée à 840 interventions par an, et, d'autre part, pour le lot n°2, les directions territoriales Sud-Est, Sud-Ouest et Est, soit 3 117 ascenseurs pour une moyenne estimée à 900 interventions par an, répond au souci de réduire les contraintes techniques liées aux déplacements et de diminuer les coûts d'intervention en fonction du nombre projeté d'interventions sur son patrimoine ».
De même, il est possible de retenir l’allotissement géographique pour réduire les délais d’exécution et améliorer la coordination des intervenants (CE, 25/05/2018, n°417428). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a considéré que l’allotissement géographique mis en œuvre par l’office public répondait au souci de réduire les délais d'exécution, de permettre une meilleure coordination des intervenants et d'éviter des difficultés auxquelles il avait déjà été confronté lors de l'exécution d'un précédent marché ayant le même objet, qui avait été divisé, dans le cadre d'un allotissement à la fois géographique et fonctionnel, en 97 lots.
Assurer la continuité du service public : une motivation suffisante pour utiliser le critère géographique
Le juge admet l’utilisation de ce critère lorsque l’exécution du marché nécessite de disposer d'une équipe pouvant intervenir rapidement sur le lieu d'exécution du marché afin d'assurer la continuité du service public du réseau routier et d'éviter des ruptures d'approvisionnement, ainsi que de permettre un chargement direct chez le fournisseur (CAA Bordeaux, 25 mai 2004, société Probinord, n° 00BX02265).
C’est également le cas lorsque l’exécution du marché exige de disposer d'une antenne locale dans le département d'exécution des prestations, dotée du téléphone et comportant un chef de chantier et dix personnes au minimum, s'agissant d'un marché d'entretien d'espaces verts et de plantations (CE, 14 janvier 1998, société Martin-Fourquin, n° 168688).
Dans tous les cas, le critère géographique ne doit pas avoir pour but de favoriser les entreprises locales
Dans une affaire (CE, 12/09/2018, n° 420585),le département de la Haute-Garonne a lancé une consultation pour l'acquisition de documents sur tous supports et sur des prestations de services associées, au bénéfice de la médiathèque départementale ; un candidat évincé demande l’annulation de la procédure de passation.
Saisi, le Conseil d’Etat indique que le cahier des clauses particulières impose au titulaire du marché de permettre, au moins une fois par mois, aux bibliothécaires de la médiathèque, de venir consulter ses fonds d'ouvrages dans ses locaux. De plus, le règlement de consultation prévoit, parmi les critères de sélection des offres, un critère relatif aux frais de déplacement engendrés, pour la médiathèque, par l'exécution de ce marché. Les modalités de calcul des frais engagés étaient fondées exclusivement sur la distance entre l'implantation géographique des librairies candidates et la médiathèque départementale.
Le Conseil d’Etat considère que ce critère géographique était illégal car il pouvait favoriser les candidats les plus proches, restreignant ainsi la possibilité pour les candidats plus éloignés d'être retenus.
La proximité géographique d'une entreprise, dans le but de réduire les émissions de CO2, ne peut pas être, en tant que telle, intégrée comme critère de sélection des offres, car il présente un caractère discriminatoire au détriment des entreprises les plus éloignées (QE n° 10874 de M. Gérard BAILLY peubliée au JO Sénat le 12/11/2009 - Réponse publiée au JO Sénat le 21/01/2010).
Notons que la collectivité peut exiger comme condition d'exécution du marché la limitation des émissions de gaz à effet de serre, ce qui n'implique pas nécessairement une exigence de proximité de l'entreprise mais plutôt une démarche environnementale dans l'exécution du marché, en matière d'implantation du chantier ou de moyens de transport utilisés.
Olivier Mathieu le 18 juin 2024 - n°2322 de La Lettre du Maire
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