Les CCAS sont confrontés à une augmentation de la pauvreté Abonnés
Yves Calippe : Les CCAS sont davantage sollicités pour deux raisons. La crise sanitaire a impacté les familles les plus vulnérables mais également celles qui ne s’y attendaient pas et qui ont vécu des évènements comme le chômage. De plus, les ménages subissent une augmentation des prix, notamment de l’essence et de l’énergie. J’ajouterai les répercussions de la guerre en Ukraine. Depuis 2020, les CCAS sont confrontés à une augmentation de la pauvreté et de la précarité et ils ont davantage d’usagers.
LLDM : Comment se traduisent ces crises ?
Y. C. : Certaines couches de la population, qui n’étaient pas touchées par les difficultés, le sont désormais. C’est le cas de personnes qui avaient un emploi à temps partiel ou au SMIC et qui sont amenées à faire des choix entre le paiement de leur loyer ou de leurs dépenses alimentaires. Leurs ressources ne sont pas la hauteur de leurs besoins. Cette situation impacte également le monde associatif. Au Mans par exemple, de nouvelles associations apportent de l’aide alimentaire aux personnes en grande précarité. La question se pose de savoir à quelle hauteur les CCAS peuvent répondre à ces besoins car nous sommes financés par les budgets municipaux. Actuellement, nous créons des partenariats avec les associations et nous recherchons des financements.
LLDM : Comment sont affectés les budgets locaux ?
Y. C. : Je prendrai trois exemples. Au Mans nous avons ouvert un centre de vaccination Covid-19 avec l’agence régionale de santé mais les financements ont mis beaucoup de temps à être versés et une partie doit encore arriver, Par ailleurs, nous avons ouvert un centre de distribution alimentaire qui a servi 38 000 repas. C’est une dépense qui n’avait pas été budgétée et qui a été prise sur les budgets de la ville et du CCAS. Enfin, le renforcement des partenariats avec le monde associatif est une nécessité pour faire face à la crise. Au Mans, nous avons augmenté de 42 % notre subvention au Secours populaire.
LLDM : On parle beaucoup de résilience. Quelle a été celle des CCAS face à cet enchaînement d’événements ?
Y. C. : Les CCAS, y compris les plus ruraux, n’ont pas fermé durant le premier confinement. Cette situation a impliqué un fort engagement des agents qui ont proposé des réponses nouvelles, que nous affinons aujourd’hui pour faire évoluer nos politiques publiques. Au Mans, nous avons créé un groupe Whatsapp pour travailler avec des institutions partenaires comme la CAF. Ainsi, nous avons pu leur transmettre des dossiers malgré le confinement. Celles qui pouvaient répondre les traitaient, ce qui nous a permis de résoudre des problèmes plus rapidement. Aujourd’hui nous avons conservé des contacts plus directs avec ces grandes institutions.
LLDM : Les CCAS viennent de voter leur budget 2022. Les effets de bord liés à la crise sanitaire sont-ils maîtrisés ?
Y. C. : Le confinement de 2020 n’a pas grevé immédiatement le budget des CCAS car nous avons distribué peu d’aides à ce moment-là, à l’exception de chèques alimentaires et de petites aides financières. Les impacts se sont fait sentir ensuite, obligeant les collectivités à puiser dans leurs réserves. Au Mans, la ville a pris en charge des dépenses liées aux centres de vaccination, y compris des véhicules pour conduire des gens qui n’avaient pas les moyens de s’y rendre. Elle a également financé les repas fournis par la cuisine centrale. Ces efforts ne pourront pas perdurer sans des ajustements budgétaires mais nous attendons le premier trimestre 2023 pour faire le bilan.
LLDM : L’actualité sanitaire et sociale est également marquée par le scandale Orpea. Sonne-t-il comme une remise en question pour les centaines d’EHPAD que gèrent les CCAS ?
Y. C. : Nous avons des contrôles réguliers de l’ARS qui nous permettent de rectifier certaines choses mais rien de scandaleux, heureusement. Nous sommes très attentifs à la manière dont nous travaillons avec les résidents. Le congrès de l’UNCCAS a d’ailleurs été marqué par des échanges de pratiques pour mieux impliquer les familles et les usagers. Nous travaillons pour sortir les EHPAD des murs, par exemple en faisant davantage participer les résidents à la vie de leur quartier. Ce qui n’exclut pas que nos EHPAD doivent faire face à certaines difficultés, comme le recrutement de personnels qualifiés. Le phénomène s’est accentué avec les absences liées au Covid.
LLDM : La loi 3 DS ouvre aux métropoles la possibilité de se doter d’un centre intercommunal d’action sociale (CIAS). Est-ce une bonne chose ?
Y. C. : Tout dépendra de la volonté des métropoles de travailler avec les CCAS dont elles ont besoin pour mener leurs politiques sociales. Il y a deux ans, le président de Le Mans métropole m’a d’ailleurs demandé de travailler avec d’autres CCAS sur des questions communes comme le portage des repas préparés par la cuisine centrale. Il faut d’abord voir qui fait quoi, puis comment chaque CCAS peut apporter son savoir-faire et ses compétences. Ensuite, il faut s’assurer qu’on réponde aux besoins, ce qui implique un dialogue. L’enjeu est la construction d’une gouvernance collective. Il faudra également regarder les impacts financiers.
Jean-Philippe ARROUET le 19 avril 2022 - n°2222 de La Lettre du Maire
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