A fonction comparable, un agent d’une commune ne peut pas gagner plus qu’un agent de l’Etat
Michel Degoffe le 19 avril 2022 - n°2222 de La Lettre du Maire

Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Sarthe a demandé au tribunal administratif de Nantes de suspendre l’exécution de la délibération du 14 avril 2021 du conseil municipal d’Allonnes instaurant un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) en tant qu’elle a décidé de maintenir le bénéfice de l’indemnité de fonctions, sujétions et d’expertise (IFSE) et du complément indemnitaire annuel (CIA) aux agents placés en congés de longue maladie et de longue durée ainsi que la décision implicite du 8 août 2021 rejetant son recours du 7 juin 2021.
Par une ordonnance n° 2110811 du 18 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l’exécution de cette délibération en tant qu’elle a décidé de maintenir le bénéfice de l’indemnité de fonctions, sujétions et d’expertise (IFSE) et celui du complément indemnitaire annuel (CIA) aux agents placés en congés de longue maladie et de longue durée ainsi que de la décision du 8 août 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2021, la commune d’Allonnes, représentée par Me Peru, demande à la cour :
1°) d’annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2021 ;
2°) de rejeter la demande du préfet de la Sarthe ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l’interprétation du principe de parité retenue par le préfet puis par le juge des référés méconnaît les principes constitutionnels d’égalité et de libre administration des collectivités territoriales ;
- la conformité du régime indemnitaire d’une collectivité au principe de parité s’apprécie de manière globale ;
- il demeure loisible à la collectivité de maintenir le bénéfice d’indemnités aux agents placés en congés dans l’hypothèse où ce maintien n’est pas un droit pour les agents ;
- le régime institué par cette délibération est beaucoup moins favorable que celui appliqué aux agents de l’Etat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2022, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune d’Allonnes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret nº 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 554-1 du code de justice administrative : « Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l’Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : « Art. L. 2131-6, alinéa 3. - Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Il est statué dans un délai d’un mois. » (...) ».
2. La commune d’Allonnes relève appel de l’ordonnance du 18 octobre 2021, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l’exécution de la délibération de son conseil municipal du 14 avril 2021 instaurant un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) en tant qu’elle a décidé de maintenir le bénéfice de l’indemnité de fonctions, sujétions et d’expertise (IFSE) et du complément indemnitaire annuel (CIA) aux agents placés en congés de longue maladie et de longue durée ainsi que de la décision implicite du 8 août 2021 rejetant le recours gracieux du préfet de la Sarthe en date du 7 juin 2021.
3. Aux termes de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa réaction applicable en l’espèce : « Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l’Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d’exercice des fonctions et de l’engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l’Etat servant de référence bénéficient d’une indemnité servie en deux parts, l’organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l’Etat (...) ». Aux termes de l’article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 : « Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d’administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l’Etat exerçant des fonctions équivalentes (...) ». Aux termes de l’article 2 du même décret : « L’assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d’administration de l’établissement fixe, dans les limites prévues à l’article 1er, la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements (...) ».
4. Il résulte de ces dispositions qu’il revient à l’organe délibérant de chaque collectivité territoriale ou établissement public local de fixer lui-même la nature, les conditions d’attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité ou de l’établissement public, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l’Etat d’un grade et d’un corps équivalents au grade et au cadre d’emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité ou l’établissement public soit tenu de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l’Etat.
5. Aux termes de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services (...) ». Aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : « Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L’intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence (...) ». Aux termes de l’article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : « A l’issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement intégral ou le demi-traitement ne peut être payé au fonctionnaire qui ne reprend pas son service qu’autant que celui-ci a demandé et obtenu le renouvellement de ce congé. / Au traitement ou au demi-traitement s’ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l’exclusion de celles qui sont attachées à l’exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais ».
6. Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires de l’Etat placés en congé de longue maladie ou de longue durée n’ont pas droit au maintien des indemnités attachées à l’exercice des fonctions, au nombre desquelles figure l’IFSE et le CIA prévus à l’article 1er du décret du 20 mai 2014 portant création d’un RIFSEEP dans la fonction publique de l’Etat. Le régime indemnitaire fixé par la délibération contestée du conseil municipal d’Allonnes se distingue du régime applicable aux fonctionnaires de l’Etat en ce qu’il prévoit le maintien de plein droit de l’IFSE et du CIA institués au profit des agents de cette collectivité en cas de congé de longue durée ou de longue maladie. Par suite, c’est sans méconnaître les principes constitutionnels d’égalité et de libre administration des collectivités territoriales que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a pu se fonder sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de parité entre les agents relevant des différentes fonctions publiques dont s’inspire l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984, tel que rappelé au point 3, pour suspendre, dans la mesure rappelée au point 2, la décision contestée.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune d’Allonnes n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune d’Allonnes de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Décide :
Article 1er : La requête de la commune d’Allonnes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d’Allonnes, au préfet de la Sarthe et au ministre de l’intérieur.
Référence : Arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes n° 21NT02956 du 12 avril 2022.
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