Éditions Sorman

Les collectivités ont accueilli avec soulagement le décret n° 2023-437, publié le 3 juin dernier. Le régime de dérogation préfectorale, qui autorisait à faire surveiller ponctuellement les baignades d’accès payant par des titulaires du Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA), a été remplacé par un régime de droit commun permanent. Un assouplissement attendu par les collectivités qui peinent de plus en plus à recruter des maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) diplômés d’État. Quant aux BNSSA, le décret assouplit certes les conditions d’emploi mais il ne garantit pas un afflux de candidatures spontanées. Les jeunes intéressés par ces emplois saisonniers ont parfois d’autres offres et celles faites aux titulaires du BNSSA font l’objet d’une concurrence entre collectivités. Au point que, dans certaines communes, la pénurie de candidats remette en cause l’ouverture des bassins au public. « Nous avons débuté notre campagne de recrutement en janvier et nous n’avons pas eu de candidat », précise Flavie Favarcq, directrice générale des services d’Argentat-sur-Dordogne (Creuse, 3 008 habitants). Cette commune s’y est pourtant prise suffisamment à l’avance puisque son complexe aquatique, « le splash », ouvre entre les mois de juin et septembre.

Rendre plus attractifs les jobs d’été
C’est pourquoi, la commune a décidé de financer la préparation des jeunes au BNSSA. Depuis cet été, une « Bourse au BNSSA » prend en charge 80 % du coût de la formation dans la limite de 700 € (un plafond qui correspond au prix moyen pour obtenir le diplôme), soit une aide de 560 € nets. La mairie a fixé deux conditions d’éligibilité : être âgé de 17 à 25 ans et justifier d’un domicile dans la commune. Cette condition de domiciliation contribue à la légalité du dispositif puisque son périmètre reste communal. Elle renforce aussi l’attractivité de l’emploi. « Les jeunes n’ont pas de frais car ils logent chez leurs parents », souligne Flavie Favarcq. Un atout non négligeable face à la concurrence des stations balnéaires, plus attractives mais où il faut se loger et se nourrir à des prix élevés. Le salaire proposé est par ailleurs de 1 450 € mensuels et les jeunes qui cherchaient un job d’été pour un mois avaient peu intérêt à se former, le coût du BNSSA amputant leur gain de moitié. La bourse communale rend donc le poste plus rentable financièrement. Il reste un point délicat cependant, celui de la contrepartie. Argentat-sur-Dordogne signe avec le jeune bénéficiaire une convention par laquelle il s’engage à surveiller la baignade durant un mois d’été, au cours des trois années suivantes.

Ne pas décourager les bonnes volontés
Le document qui formalise les droits et devoirs des deux parties reste cependant fragile juridiquement, ce qui impose de bien anticiper les aspects pratiques de l’engagement pour éviter des défections. Ainsi, le choix d’une période d’un mois de travail seulement, répétée trois fois, correspond au souhait des jeunes de prendre un mois de vacances pendant l’été, même si la mairie accueille favorablement ceux qui souhaiteraient travailler deux mois consécutifs. Pour sa part, Cambrai (Nord, 32 794 habitants) a instauré une aide similaire par une délibération du 05/12/2022. La mairie finance le BNSSA à hauteur de 300 €, en attendant des bénéficiaires qu’ils surveillent ses deux piscines durant l’été. « Le conseil municipal a validé l’octroi des trois premières bourses jeudi dernier mais il y aura un décalage entre les bourses et la formation », anticipe Frédéric Eichmuller, co-directeur des sports. La formation dispensée par le club de natation local, d’une douzaine de jours, se déroule en effet tout au long de l’année. Une organisation contraignante pour les jeunes, surtout s’ils font leurs études ailleurs. « Nous réfléchissons à une formation concentrée pendant les vacances car les jeunes sont moins disponibles le reste du temps », note le responsable. Cette attention portée aux modalités pratiques du parcours de formation a pour but de ne pas décourager les bonnes volontés. D’autant qu’une fois leur formation effectuée, les jeunes auront d’autres possibilités de la rentabiliser à Cambrai. « Nous commençons à prendre des jeunes en heures supplémentaires quand les maîtres-nageurs sauveteurs sont malades ou en congés », indique Frédéric Eichmuller. La commune gagne ainsi en souplesse dans la gestion de la surveillance de ses bassins et limite les fermetures impromptues pour absence de personnel : « c’est plus facile pour les étudiants de faire des vacations en remplacements et les week-ends». Un argument supplémentaire pour attirer d’autres candidats puisque la bourse sera reconduite en 2024.

Jean-Philippe ARROUET le 02 octobre 2023 - n°2288 de La Lettre du Maire