Dominique Faure, ancienne ministre déléguée en charge des Collectivités territoriales et de la Ruralité, donne sa vision de la décentralisation Abonnés
Entretien.
La Lettre du Maire : à la lecture de votre ouvrage, on est frappé par la concertation que vous maintenez constamment avec les associations d’élus. Vous dites, par exemple, que le programme Villages d’avenir est, à l’origine, une idée de Michel Fournier, le président de l’association des maires ruraux.
Dominique Faure : oui, il m’a semblé essentiel, dès le début, de travailler en étroite relation avec toutes les associations d’élus, et on en compte 18. Certaines sont constituées sur des centres d’intérêts précis, par exemple l’association des élus des villes thermales. De telles associations ont une connaissance très fine d’enjeux ciblés et pointus. Il serait stupide de se priver de leur expertise. J’ai donc maintenu un contact constant avec les associations afin de co-construire le droit applicable aux communes. Mais j’ai également multiplié les rencontres avec les maires non affiliés, car leur vision importe et elle n’est pas toujours celle des associations. Un exemple, les associations mettent régulièrement en avant les démissions de maires, et expriment leur crainte qu’en 2026 on manque de bonnes volontés pour les élections. Or, quand on discute avec les maires, on constate que beaucoup d’entre eux ne cèdent pas au découragement et sont prêts à repartir.
La LDM : les agences de l’Etat sont très décriées aujourd’hui, à un moment où on cherche à faire des économies. Dans le domaine des collectivités territoriales, l’ANCT (agence nationale de la cohésion des territoires) est souvent critiquée, certains élus la jugeant inutile. Partagez-vous ce point de vue ?
D.F : non, mais elle pourrait être encore plus efficace et plus visible. Pourquoi a-t-on créé des agences ? Parce que l’administration centrale est absorbée par la légistique et les questions financières. Elle n’a donc plus le temps d’accompagner les communes dans l’ingénierie. L’ANCT répond à ce déficit et le fait bien, mais elle pourrait le faire encore mieux avec une plus forte déconcentration dans les préfectures. C’était d’ailleurs mon projet avec le programme Village d’avenir, un dispositif d’accompagnement et d’ingénierie au profit des petites communes. J’ai insisté pour que des experts ne soient pas recrutés dans les communes, comme c’est le cas, par exemple, dans le programme Action Cœur de ville, mais en préfecture, au plus près des maires qui travaillent en confiance avec leur préfet ou leur sous-préfet.
La LDM : l’un des enjeux actuels est celui de l’intercommunalité. Les communes ne sont-elles plus capables de gérer elles-mêmes des compétences qui nécessitent des investissements importants ? On a vu pourtant, avec la compétence eau et assainissement, que certaines communes souhaitaient conserver la compétence.
D.F : nous sommes partis du constat que les investissements et l’expertise nécessaires n’étaient plus à la portée des communes rurales. Ce changement a été compris puisque 3 000 communes seulement ont refusé le transfert de compétence, la moitié pour des raisons recevables. Elles ne comprenaient pas pourquoi un périmètre juridique était retenu pour opérer le transfert - le périmètre de l’intercommunalité - alors qu’elles ne se situaient pas nécessairement dans le même bassin que la commune centre. L’autre moitié a refusé pour des raisons politiques : le maire de la commune ne voulait pas travailler avec le maire ou les maires dominants au sein de l’intercommunalité. Pour ces communes, on a donc trouvé une solution. Elles peuvent ne pas transférer la compétence à la communauté de communes, mais elles devront l’exercer au sein d’un syndicat. C’est, à mon avis, un bon compromis.
La LDM : le gouvernement a annoncé des sacrifices importants, on parle de 5 milliards d’euros demandés aux collectivités territoriales. Pensez-vous que ce soit inéluctable ?
D.F : oui, la situation exige que chacun fasse des sacrifices. Lors de mon mandat de maire, qui s’achève, j’ai mené trois projets d’investissement grâce aux subventions de l’État. Je dois me préparer à n’en monter qu’un lors du prochain mandat. L’important est que les choses soient claires et que les communes aient de la visibilité.
Michel Degoffe le 26 août 2025 - n°2374 de La Lettre du Maire
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