Éditions Sorman

Alors que les établissements sanitaires et sociaux rencontrent des difficultés pour recruter, Saint-Médard-en-Jalles (Gironde, 31 000 habitants) a embauché ces derniers mois 25 personnes dans le secteur de l’aide à la personne. Nous nous sommes entretenus avec Stephen Apoux, adjoint au maire chargé de l’économie, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire, pour connaître les raisons de ce succès.
Entretien.
 
La Lettre du Maire : la commune de Saint-Médard-en-Jaille estime-t-elle qu’elle a un rôle à jouer sur le marché de l’emploi ?
Stephen Apoux : oui, en général, les communes n’exercent pas de compétences en la matière. Notre équipe, issue des dernières élections, avait le projet, concrétisé depuis, de doter la commune d’une direction de l’économie et de l’emploi. La première action de cette direction a été de répondre aux difficultés que rencontrent l’EHPAD et l’association d’aide à domicile du Haut-Médoc (ADHM) à recruter, et les résultats ont été concluants.
La LDM : vous vous substituez à Pôle Emploi ?
S.A : pas du tout. Je dirais que Pôle Emploi est un grossiste et que nous sommes des artisans. S’il y a des difficultés à recruter dans le secteur de l’aide à la personne, c’est dû sans doute, en partie, au fait que les emplois sont présentés sous un jour peu attractif. En dépit de ses moyens, Pôle Emploi ne peut pas informer les gens potentiellement intéressés par une reconversion dans cette branche sur les avantages liés à ces métiers. Nous, nous avons mené une campagne d’information, multipliant les réunions. 300 personnes se sont montrées intéressées, nous en avons retenu 70 et finalement choisi 25 qui travailleront pour l’EPHAD et l’ADHM, alors que ces deux organismes ne parvenaient pas à recruter. Et nous avons même 12 personnes en attente d’un poste.
La LDM : mais, pour exercer ce type d’emploi, ne faut-il pas un diplôme d’aide-soignant ?
S.A : non, mais il est vrai qu’il faut une formation. Et cela nous l’assurons, assistés d’un organisme de formation (Formidaable). Une fois recruté, nous ne plaçons pas l’agent à son poste sans l’y préparer. Progressivement, nous l’aidons à s’approprier son nouveau travail, à s’insérer dans l’équipe.
La LDM : on constate, par exemple dans les universités parisiennes, des difficultés à recruter du personnel administratif. Quand ils sont recrutés, les agents restent souvent peu de temps parce qu’ils doivent accomplir des tâches sans y avoir été préparés et sans pouvoir s’appuyer sur un référent plus expérimenté.
S.A : oui, c’est ce que nous voulons éviter. La clef du recrutement est également de ne pas proposer uniquement les emplois à ceux qui travaillent déjà dans le secteur. Il faut être à l’écoute de ceux qui ont envie de changer de voie, d’être utiles autrement. Par exemple, quelqu’un qui a été très performant dans la logistique, peut l’être également dans l’aide à la personne. C’est le message que nous avons fait passer dans les réunions, à l’occasion desquelles nous avons aussi voulu expliquer que l’aide à la personne ce n’est pas seulement s’occuper de la toilette de nos aînés.
La LDM : l’enthousiasme est une chose, mais la crise sanitaire a révélé que ces métiers étaient mal rémunérés par rapport aux services qu’ils rendent à la société. N’est-ce pas ce qui explique la difficulté du recrutement ?
S.A : bien entendu, si les agents qui rendent des services à la personne étaient mieux rémunérés, il ne serait sans doute pas nécessaire de déployer les efforts que nous avons mis en œuvre. Mais les règles de la fonction publique ne nous permettent pas d’agir sur ce levier financier.
La LDM : la direction de l’emploi que vous avez créée n’a vocation qu’à agir dans le domaine sanitaire et social ?
S.A : non, plusieurs membres de l’équipe municipale ont des relations étroites avec le monde de l’entreprise. La démarche que nous avons menée pour recruter des aides à la personne, nous la dupliquons pour aider les entreprises à recruter.
La LDM : votre initiative gagnerait à être connue. On espère que cette interview l’y aidera.
S.A : oui, mais nous allons également organiser une conférence en fin d’année pour faire connaître notre action auprès des communes de la métropole bordelaise.

Michel Degoffe le 18 avril 2023 - n°2268 de La Lettre du Maire