Éditions Sorman

Pour sa douzième édition, le concours « Capitale française de la biodiversité »* affirme une tendance, toutes tailles de communes confondues : les initiatives en faveur de la biodiversité doivent se prendre en concertation avec les autres acteurs du territoire, notamment privés. Passé le temps des premières initiatives isolées, l’heure est au déploiement d’une protection globale de la faune et de la flore qui ne peut pas se limiter au domaine public en ignorant des terrains privés contigus. A l’exception de périmètres de protection, définis dans leurs documents d’urbanisme, les communes n’ont, en outre, aucun pouvoir ni aucune compétence pour régir leur biodiversité. Tout est donc affaire de concertation et de capacité à entraîner les acteurs publics comme privés.

Partager un intérêt commun
Désignée « Meilleure commune pour la biodiversité 2023 », dans sa catégorie, La Motte-Servolex (Savoie, 11 731 habitants) démontre que les communes, petites et moyennes, sont un échelon pertinent pour créer cet effet d’entraînement. Dans cette commune de moyenne montagne, un des points de départ de la mobilisation a été la dégradation de la forêt. L’élévation des températures condamne des espèces endémiques comme les épicéas. Avec 1 000 hectares forestiers (dont 530 de forêt communale), ce dépérissement menace le cadre de vie qui fait l’attractivité de la commune, mais également la filière sylvicole qui alimente les scieries ainsi que la production de bois énergie. Pour préserver cet équilibre paysager et économique, la commune replante chaque année, avec l’ONF, 1 000 arbres d’essences plus résistantes. Pour partager la charge financière (31 000 € par an durant 13 ans), la mairie a fait appel au mécénat en sollicitant des entreprises locales. Avec succès car elles se sont senties suffisamment concernées pour accepter de contribuer jusqu’à la moitié de l’effort financier nécessaire.

Poser un diagnostic initial
Pour impliquer la population et disposer des données nécessaires, la commune a élaboré un atlas de la biodiversité communale (ABC), dès 2017. Pour sa mise à jour (36 000 € financés à 60 % par l’OFB, l’Office français de la biodiversité), elle a fait appel à la maîtrise d’œuvre de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), mais aussi aux sciences participatives. La municipalité a placardé des affiches de 1,50 m² dans la ville pour présenter les espèces et appeler à la participation des particuliers. Elle leur demande d’apporter leurs relevés d’observations. « Nous les invitons à prendre des photos en leur fournissant une grille de lecture », explique Antony Perrin, chargé de mission environnement et développement durable. Plus d’une cinquantaine de personnes a ainsi contribué aux cinq « enquêtes » ouvertes en ligne sur la flore, les araignées, les espèces de voisinage, les hirondelles et les martinets, les hérissons et les muscardins. « Nous récoltons des données en même temps que nous faisons comprendre que la biodiversité est un patrimoine commun », souligne le chargé de mission.

Associer les agriculteurs
La Motte-Servolex s’est également attelée à un chantier délicat, celui de l’engagement des agriculteurs en faveur de la biodiversité. Un des objectifs étant de replanter sur les exploitations des haies qui servent de corridors pour la biodiversité. En 2010, la commune avait voté une subvention, très peu consommée depuis. Elle vient donc de reconsidérer son approche en sollicitant la Chambre d’agriculture et la LPO pour proposer conjointement des diagnostics aux agriculteurs. Ici, aucune injonction à agir ni de mode d’emploi. Les trois partenaires proposent des visites de terrain dont le but est d’expliquer l’intérêt des haies pour chaque parcelle (ombrage, capacité d’infiltration des eaux, maintien de l’humidité du sol). Si l’agriculteur se montre réceptif, un plan d’implantation est élaboré avec lui, puis la collectivité finance 50 % du coût des plantations. Cette approche a permis de convaincre 31 exploitants et plus de 400 hectares sont en cours de traitement.

Accompagner les propriétaires privés
La Motte-Servolex cherche par ailleurs à entraîner les propriétaires de jardins et les copropriétés pour déployer un réseau de corridors de biodiversité en zone urbaine. La mairie fournit aux propriétaires privés des haies dont elle assure la plantation puis la taille durant les trois premières années. Grâce ce travail réalisé avec les différentes communautés, La Motte-Servolex est en passe d’atteindre un objectif rare : disposer d’une trame qui préserve la faune et la flore sur l’intégralité de son territoire.

*www.capitale-biodiversite.fr/

Jean-Philippe ARROUET le 19 septembre 2023 - n°2286 de La Lettre du Maire