Logements sociaux : une obligation intenable Abonnés
Des objectifs intenables
Morigny-Champigny (4 452 habitants, Essonne) est un cas d’école (passé deux fois en commission nationale), dans lequel nombre de maires se reconnaîtront. Cette petite commune résidentielle, entourée de terres agricoles, a été soumise à la loi SRU en 2013, sans prévenir, lorsque l’intercommunalité auquel elle appartenait a dépassé le seuil des 50 000 habitants. A l’époque, Morigny-Champigny comptait seulement deux logements sociaux. Elle en compte aussi peu aujourd’hui malgré l’engagement de quatre programmes immobiliers, des centaines de milliers d’euros dépensés et 132 agréments de logements sociaux délivrés par l’État. La commune n’est donc pas restée les bras croisés, bien au contraire, mais elle fait face à des contraintes foncières considérables, notamment depuis le « ZAN » (zéro artificialisation nette) empêchant de mobiliser des terres qui abondent autour. Dans le même temps, l’État sanctionne la carence SRU sans états d’âme : de 69 812 € en 2015, la facture grimpe cette année à 141 624 € avec une majoration décidée par le préfet, pour la première fois, de 128 400 € (pour laquelle la commune a déposé un recours au tribunal administratif). L’État déplore un manque de 606 logements sociaux.
Des conditions économiques très difficiles
Faute de pouvoir s’étendre, la commune a commandé une étude pour connaître les possibilités de densifier le foncier disponible, notamment les « dents creuses ». « L’étude nous montre que nous pouvons faire 80 logements locatifs sociaux dans les dents creuses, et ce sur des dizaines d’années car il s’agit de multiples parcelles et le foncier est cher », regrette le maire, Bernard Dionnet. Pas de quoi se rapprocher vraiment de l’objectif de 606 logements ni même suivre le rythme de convergence prévue par les nouveaux contrats de mixité sociale. D’autant que la commune doit composer avec de multiples servitudes de protection naturelle (zones humides, espaces naturels sensibles, ZNIEFF…) et patrimoniale (monuments historiques, sites pittoresques et géologiques…) ainsi que des périmètres de protection des nuisances sonores et des risques naturels. Morigny-Champigny a donc dû se rabattre sur des options radicales : raser son centre technique municipal pour récupérer une parcelle de 1 500 m² en centre-bourg (au stade de l’avant projet sommaire, l’estimation de l’opération se chiffre à 1,5 million d’euros) ou encore récupérer un terrain sur lequel était implanté une école. A la place du groupe scolaire Daudet s’élèvera un ensemble de 51 logements (dont 35 logements sociaux (LLS) car l’impératif de mixité ne permet pas d’en réaliser 100 %), une maison des associations ainsi que 600 m² de commerces.
Respecter la mixité sociale
« Nous nous sommes rendus compte que le site nécessitait une approche globale, au-delà des logements pour créer une nouvelle centralité sous la forme d’un éco-centre bourg », évoque Hervé Demeure, gérant de Continental Foncier, le promoteur engagé dans cette opération depuis 2014. Autrement dit, pour faire accepter des LLS au cœur du centre ancien sans déclencher de protestations, la commune a dû consentir à un aménagement plus vaste, qui se chiffre à 1,2 millions d’euros supplémentaire. Surtout, la ville a dû subventionner l’opération car aucun bailleur social n’était intéressé. Avec un terrain estimé par France Domaines à 792 000 €, impossible d’équilibrer la construction de logements sociaux en respectant les loyers de sortie des LLS. La ville a donc accepté de minorer le prix de vente du terrain de 180 000 € et a accordé au bailleur une subvention d’équilibre de 270 000 €, soit un coût final pour le bailleur ramené à 342 000 €. En outre, il a fallu désamianter l’école et la ville a également réglé les 136 000 € correspondants. Malgré ses efforts, la réalisation des 51 logements n’est pas pour demain. Des fouilles archéologiques viennent d’être prescrites (1,1 M€ dont 629 000 € à la charge du budget communal). A ce rythme, impossible de combler en neuf ans supplémentaires le déficit communal de LLS. D’autant que les 606 manquants ne devront pas être des ghettos. Pour respecter la mixité sociale, ils devront s’intégrer dans des opérations mixtes. « Pour conserver un taux de mixité de 57 %, il faudrait construire 1 400 logements supplémentaires dans notre commune qui en compte 1 800 », se désole Bernard Dionnet.
* Loi n° 2022-217 du 21/02/2022.
Jean-Philippe ARROUET le 15 mars 2022 - n°2217 de La Lettre du Maire
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