Les zones rurales exclues de la politique de la ville Abonnés
Mais ce n’est plus le cas depuis que la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 a redéfini les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV). Ces communes ont été déclassées « Territoires de veille active ». Les maires de ces quatre communes ont donc décidé d’écrire au ministre de la Ville, Olivier Klein, pour se plaindre de cette exclusion.
Nous avons interrogé à ce sujet, Mathieu Sonnet, maire de Fumay.
La Lettre du Maire : vous avez décidé avec vos homologues d’écrire au ministre de la Ville pour vous plaindre des critères de définition des quartiers prioritaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mathieu Sonnet : en 2014, l’Etat a mis en place un critère unique de zonage des QPPV fondé sur la densité de population paupérisée au sein du maillage en carroyage de l’Etat : comme l’explique Kévin Gengoux, maire de Bogny, « pour faire simple, on prend un carré de 250 m sur 250 m et il doit contenir mille personnes entrant dans des cases spécifiques de revenu et de situation sociale ». Les villes à la densité démographique insuffisante ont donc été reléguées en « Territoires de veille active ». Auparavant, pour définir un quartier prioritaire, étaient pris en compte les revenus de ses habitants. Le quartier était prioritaire si la moyenne de revenus était en-dessous d’un seuil et si ces revenus reposaient en grande partie sur des prestations sociales. Ce critère n’est désormais plus suffisant : outre la faiblesse du revenu des habitants, il faut prendre en compte la densité de population. Résultat, les quatre communes de la vallée de la Meuse ne bénéficient plus des dotations alors qu’elles ont encore toutes les caractéristiques de zones défavorisées : un taux de chômage qui a bondi de 20 à 26,5 % entre 2014 et aujourd’hui, et un pourcentage de foyers non imposables qui atteint les 70 % alors qu’il était à l’époque à 60 % .
La LDM : pouvez-vous nous en détailler les conséquences ?
M.S : les conséquences concrètes sont très éloquentes. Par exemple, la dotation réussite éducative (qui soutient sous différentes formes la réussite éducative et l’épanouissement de l’enfant) était de 150 000 euros en 2008, elle est de 60 000 euros aujourd’hui. Une réduction de plus de la moitié donc, et sans la certitude d’être maintenue. Cette réduction drastique est la conséquence de la fin de l’éligibilité en quartier prioritaire et au passage au statut de « Territoire de veille ».
La LDM : dans votre courrier au ministre, vous écrivez que ce passage en « Territoire de veille » vous a non seulement fait perdre des dotations mais que cela vous a également fait perdre « toute l’ingénierie financière de la politique de la ville » ?
M.S : en effet, la mise en œuvre d’une politique sociale nécessite souvent de répondre à des appels à projets. Pour avoir une chance d’être retenu, il faut monter un dossier, ce qui nécessite des compétences techniques qu’une commune de notre taille n’a pas forcément. Or, l’éligibilité à la politique de la ville permettait également de bénéficier du concours technique des services de la préfecture. Cette assistance fait désormais défaut.
La LDM : vous relayez une critique récurrente des élus. Lors du dernier congrès de l’association des maires de France, André Laignel, vice-président de l’AMF, a réclamé la fin des appels à projets qui éliminent la plupart des communes qui n’ont pas l’expertise technique pour monter des projets compliqués. On peut espérer que cette critique sera entendue.
M.S : ajoutons que les quartiers des quatre communes qui ont bénéficié de la politique de la ville (Le Charnois, à Fumay) ont fait l’objet de renouvellement urbain, c’est-à-dire de démolition d’immeubles et donc de départs de population. Cela a pu jouer un rôle dans la faible densité qui nous porte préjudice aujourd’hui. Les problèmes ne sont pas résolus pour autant : les populations défavorisées chassées de ces quartiers par les démolitions se sont souvent repliées en centre-ville, logées par des propriétaires pas toujours scrupuleux. Résultat : aujourd’hui, c’est le centre-ville qui souffre.
Michel Degoffe le 07 mars 2023 - n°2262 de La Lettre du Maire
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