Le tri sélectif des biodéchets prend du retard Abonnés
Nous avons interrogé à ce sujet Edouard Van Heeswyck, directeur régional chez Moulinot, société pionnière en matière de gestion des biodéchets.
Entretien.
La Lettre du Maire : les communes et intercommunalités ont-elles mis en place ce tri à la source alors que nous sommes à quelques mois de l’échéance ?
Edouard Van Heeswyck : pas vraiment. Selon l’Ademe, une bonne centaine de collectivités auraient institué une collecte séparée des déchets alimentaires. Une majorité d’entre elles ont également mis en place des actions en faveur du compostage de proximité. Mais au plus 40% des collectivités seraient en phase avec l’objectif à ce stade. Du chemin reste donc à parcourir.
La LDM : les gestionnaires qui n’ont pas pris leur disposition s’exposent-ils à des sanctions ?
E.V.H : théoriquement oui, mais, dans les faits, c’est plus compliqué. Les collectivités sont visées par des sanctions pénales pour non-respect des obligations de tri, mais l’autorité compétente qui les met en œuvre n’est pas clairement définie à mon sens. Cela étant, on peut envisager qu’un jour une association sourcilleuse porte plainte parce que le gestionnaire n’aura pas respecté les règles de gestion des déchets (et l’obligation de trier les biodéchets en fait partie), ce qui constitue un délit**.
La LDM : vous évoquez également une TGAP assortie d’un bonus et d’un malus ?
E.V.H : oui, en marge des débats sur la loi sur le gaspillage alimentaire, le Conseil constitutionnel a censuré une réfaction de la TGAP qui allait dans ce sens, pour absence de lien entre la taxe et son fait générateur. En revanche, on pourrait imaginer dans le futur que la collectivité qui apporte, au centre d’élimination, des déchets majoritairement composés de biodéchets (en méconnaissance de la loi imposant la collecte séparée et le tri), paye une TGAP à un taux plus élevé - déjà existante dans le code des douanes “Installations non autorisées”, possibilité qui est donc techniquement faisable.
La LDM : des gestionnaires de déchets collectent déjà les déchets verts dans des bacs verts. L’obligation de collecter les autres biodéchets, c’est-à-dire les résidus alimentaires, passera-t-elle par ce bac vert ?
E.V.H : éventuellement, même si ce n’est pas la solution préconisée par l’Ademe. L’idéal est la collecte séparée, soit devant chez l’usager (en porte-à-porte via un bac marron), soit dans des points d’apport volontaires. On peut également envisager un compostage de proximité. L’essentiel reste l’installation d’un petit bio-seau dans nos cuisines, idéalement accompagné d’un sac biodégradable, pour généraliser ce nouveau geste de tri.
La LDM : ne peut-on pas craindre des nuisances olfactives, la recrudescence de rongeurs ?
E.V.H : normalement non en limitant les apports aux seuls épluchures et déchets purement végétaux.
La LDM : à quel stade intervenez-vous en tant que société de gestion des biodéchets ?
E.V.H : nous proposons aux gestionnaires du service public des déchets de les aider à passer au tri des biodéchets en installant des contenants dédiés, en formant et sensibilisant, et en proposant ensuite un service complet de la collecte jusqu’au retour au sol final.
La LDM : vous ne vous heurtez pas aux contrats conclus si l’intercommunalité a délégué la collecte ?
E.V.H : il est important de regarder comment le contrat de délégation de service public a été rédigé. S’il n’englobe pas la collecte séparée des déchets, nous pouvons offrir nos services par le biais d’un marché public. Si la délégation englobe les biodéchets, c’est plus compliqué.
La LDM : ce passage au tri va coûter cher aux intercommunalités. Cela tombe mal, les collectivités territoriales subissent l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires.
E.V.H : oui, mais cela tombe bien aussi car les déchets alimentaires peuvent permettre de produire de l’énergie renouvelable grâce à leur méthanisation. Il faudrait des soutiens financiers plus massifs au regard de l’enjeu et des délais. Les régions peuvent jouer un rôle important, en concertation avec l’Ademe. L’Etat aide déjà avec le fonds vert (le gouvernement a débloqué 100 millions d’euros) et le fonds économie circulaire. C’est un bon début mais cela reste trop timide selon les représentants des collectivités.
*art. L. 541-21-1 du code de l’environnement.
**art. L. 541-46 du code de l’environnement.
Michel Degoffe le 17 octobre 2023 - n°2290 de La Lettre du Maire
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