Gestion de l’eau : un modèle à revoir Abonnés
Entretien.
La Lettre du Maire : que pensent les usagers de leurs services publics locaux ?
François Bergère : les usagers sont très sensibles aux problèmes que peuvent rencontrer les services publics locaux. Ainsi, depuis quelques années, ils ont été nombreux à être concernés par des arrêtés leur demandant de restreindre leur consommation d’eau. De même, pour l’enlèvement des déchets, le service offert est perçu comme dégradé avec une multiplication de gestionnaires qui suppriment la collecte en porte-à-porte pour la remplacer par des points d’apport volontaires.
La LDM : justement, à propos de l’eau, vous constatez dans votre étude une diminution de la consommation d’eau. On pourrait s’en réjouir puisque les pouvoirs publics demandent aux usagers une plus grande sobriété. Mais cela pose également à terme des problèmes de gestion.
F.B : en effet, pour l’instant, la rémunération du service, qu’il soit géré en régie ou par un délégataire, repose sur la consommation d’eau. Ce modèle est donc remis en cause à un moment où justement les investissements à réaliser pour répondre aux défis du développement durable sont considérables. On s’accorde, en général, sur le chiffre de quatre milliards d’euros de besoin d’investissement supplémentaire par an. Il faut donc repenser le modèle de financement.
La LDM : quelles pistes proposez-vous ?
F.B : jusqu’ici, la meilleure façon de remporter ou de rentabiliser une DSP (délégation de service public) était de miser sur une consommation d’eau en croissance continue afin d’amortir les charges fixes et les investissements. Ce modèle ne fonctionne plus. Des collectivités (la métropole de Lille, Saumur ou Brive) ont déjà mis en place des contrats d’un nouveau type avec une rémunération qui ne repose plus uniquement sur la consommation mais sur des critères qualitatifs incitatifs : réduction des fuites, amélioration de la qualité de l’eau distribuée, préservation de la ressource.
La LDM : on voit donc apparaître des marchés publics de performance (la rémunération du titulaire du contrat varie selon qu’il a atteint ou non les indicateurs contenus dans le contrat) que l’on connait déjà en matière d’amélioration de la performance énergétique.
F.B : en effet, d’autres évolutions sont souhaitables. La redevance se décompose en une part fixe et une part variable, celle-ci dépendant de la consommation. Les textes définissent un plafond à la part fixe de 30 % de la facture, voire 40 % dans les communes rurales. Actuellement, la part fixe est en moyenne de 12 %. Il y a donc de la marge. On pourrait déjà essayer d’atteindre ce plafond, voire le relever pour que la rémunération ne repose plus essentiellement sur la consommation. Sachant que le prix moyen du m3 en France, assainissement compris, est de 4,50 euros, prix raisonnable si on le compare aux prix pratiqués chez nos voisins. L’ampleur des investissements exige également de réfléchir à la durée des concessions. La loi Sapin de 1993 (modifié en 1995) impose une durée maximale de 20 ans. Or, en moyenne, les contrats sont de 7-8 ans, une durée insuffisante pour mener à bien les investissements nécessaires.
Il faut également réfléchir à des tarifications non linéaires comme le font déjà certaines collectivités (La Baule ou Toulouse), avec une tarification saisonnière consistant à fixer un prix de l’eau plus élevé en période estivale quand il y a un afflux de touristes ou que les usages non essentiels se multiplient (arroser les pelouses ou remplir la piscine).
La LDM : dans votre rapport, vous écrivez que les investisseurs institutionnels ne sont pas encore assez présents.
F.B : oui, on a vu apparaître depuis une vingtaine d’années des fonds d’investissement qui investissent dans la classe d’actifs « Infrastructures », et en particulier le secteur de l’eau à l’étranger, mais pas chez nous. Or, les entreprises délégataires classiques dans l’eau se définissent comme des entreprises de service plus que comme des investisseurs. Il serait bon qu’elles puissent s’appuyer, pour leurs sociétés de projet, sur ces fonds qui n’investissent pas en France pour l’instant, estimant que la rentabilité attendue ne correspond pas aux risques encourus qui sont de plus en plus grands (baisse de la consommation, nouvelles formes de pollution…).
Michel Degoffe le 16 décembre 2025 - n°2390 de La Lettre du Maire
- Conserver mes publications au format pdf help_outline
- Recevoir par mail deux articles avant le bouclage de la publication.help_outline
- Créer mes archives et gérer mon fonds documentairehelp_outline
- Bénéficier du service de renseignements juridiqueshelp_outline
- Bénéficier du service InegralTexthelp_outline
- Gérer mon compte abonnéhelp_outline