Éditions Sorman

Le conseil municipal de Grenoble a voté un nouveau règlement des piscines municipales qui devait entrer en vigueur le 1er juin. Il autorisait les baigneuses à porter le burkini et, pour préserver un équilibre, autorisait également les seins nus. Rappelons que le burkini, inventé par une styliste australienne d’origine libanaise, permet aux femmes de confession musulmane de se baigner en respectant les préceptes du Coran interprétés de façon rigoriste. L’initiative prise par le maire de Grenoble, Eric Piolle, a été votée avec difficulté, l’opposition s’étant exprimée contre, mais aussi treize membres de sa majorité. Ces dissensions de la gauche se sont à nouveau fait jour, entre deux conceptions de la laïcité, l’une ouverte qui souhaite autoriser la manifestation de signes religieux dans l’espace public, et l’autre fermée qui tend à les proscrire.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a immédiatement demandé au préfet de l’Isère d’user d’une procédure de référé introduite par la loi séparatisme votée l’an dernier. En vertu de cette disposition, le préfet peut déférer au juge administratif une décision d’une collectivité locale qui porte gravement atteinte au principe de laïcité. Le juge des référés statue alors dans l’urgence. Ce qu’il a fait, puisque son ordonnance a été rendue le 25 mai. Il a considéré que le conseil municipal, en autorisant le burkini, avait porté atteinte aux principes de neutralité du service public.

Un débat permanent autour de la laïcité

La décision n’allait pas de soi. Sans cesse invoquée, la loi de 1905, qui n’utilise d’ailleurs pas le terme de laïcité, a été adoptée à une époque de grande uniformité religieuse, même si elle a été perçue comme une attaque contre les catholiques. Elle posait deux principes : pas de soutien de la puissance publique à quelque religion que ce soit, liberté des croyances dans l’espace public. Le premier principe a été remis en cause par la possibilité pour une commune de soutenir la construction d’un lieu de culte en mettant un terrain à disposition à des conditions avantageuses (bail emphytéotique). Le second est au cœur du règlement grenoblois. On se souvient qu’il y a quelques années, le Conseil d’Etat avait jugé que le maire ne pouvait pas interdire le burkini sur les plages (c’est-à-dire sur le domaine public) en se fondant sur le principe de laïcité. Le juge grenoblois a donc considéré que les contraintes pesant sur l’usager du service public pouvaient être plus fortes.
On attend confirmation de cette décision par le Conseil d’Etat.

Michel Degoffe le 31 mai 2022 - n°2228 de La Lettre du Maire