Éditions Sorman

L'Etat doit réduire ses dépenses, le ministère de l'Education emploie trop de fonctionnaires, en particulier dans des emplois administratifs. Ceci étant, il reste à répartir intelligemment la pénurie : ce que le gouvernement ne fait pas. Ainsi, annonce-t-il la suppression de 9 000 postes d'enseignants du 1er degré qui conduira à la disparition de 1 500 classes, surtout en milieu rural. La procédure est inacceptable puisque l'Etat contredit ainsi ses engagements : la charte sur les services publics en milieu rural, de 2006, prévoyait que les maires seraient informés par leurs académies, deux ans avant toute ouverture ou fermeture de classes : cet engagement n'est pas respecté et l'on saura désormais qu'il ne faut accorder aucun prix à ces chartes et plans. De plus, le refus de comptabiliser les enfants de moins de 3 ans, de manière à justifier la suppression de classes, contredit un autre engagement de l'Etat : l'incorporation des enfants de moins de 3 ans dans les écoles en cas d'« environnement social difficile ». La parole de l'Etat ne vaut donc rien, ce qui rendra ses engagements futurs envers les collectivités locales incrédibles.
Mais convient-il de maintenir des écoles en milieu rural ? La question se pose pour les hôpitaux, La Poste et tout ce qui contribue à la survie d'une certaine France, celle des bourgs et des villages. Au nom de la rationalité on regroupe tout et on vide le territoire de sa substance. À ce rythme, une certaine France disparaît : on risque de le regretter, car il n'est pas prouvé que les grandes structures administratives sont de meilleure qualité que les petites. Ce choix du regroupement de tout, partout, est aussi anti-démocratique : il prive les Français du choix de leurs modes de vie. Pourquoi ne devraient-ils plus vivre dans la France des villages ? Au nom de quel principe ? Par-delà la suppression des classes en milieu rural, on assiste à la destruction inconsciente de la moitié de la France, de sa géographie et de son Histoire.

Guy SORMAN le 24 mai 2011 - n°1720 de La Lettre du Maire