Une commune peut subventionner la construction d’une caserne de pompiers à vocation intercommunale
Sylvie MARTIN le 29 octobre 2019 - n°2107 de La Lettre du Maire
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du 15 septembre 2014 par laquelle le conseil municipal de Vaison-la-Romaine a approuvé la participation financière de la ville de Vaison-la-Romaine, dans la construction d’une nouvelle caserne ainsi que de l’affectation du terrain viabilisé, d’enjoindre à la commune de Vaison-la-Romaine, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de mettre fin sans délai à toute mesure d’exécution de la délibération, d’enjoindre au maire de la commune d’inscrire à l’ordre du jour du conseil municipal une demande de remboursement par la communauté de communes pays Vaison Ventoux (COPAVO) et le service départemental d’incendie et de secours de Vaucluse (SDIS) des sommes versées illégalement par la commune en exécution de la délibération en cause du 15 septembre 2014, et de mettre à la charge de la commune de Vaison-la-Romaine une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500705 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la délibération du conseil municipal, du 15 septembre 2014, en tant qu’elle a approuvé la participation financière de la commune de Vaison-la-Romaine au financement d’une nouvelle caserne de pompiers à vocation intercommunale, enjoint à la commune de Vaison-la-Romaine, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, de mettre en œuvre toutes mesures permettant d’obtenir, dans ce même délai, la restitution effective des sommes versées, mis à la charge de la commune de Vaison-la-Romaine une somme de 1 200 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2017, 13 février 2018 sous le n° 17MA03280, la communauté de commune pays Vaison Ventoux (COPAVO), représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du 1er juin 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. F... A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle dispose d’un intérêt pour agir ;
- la demande de première instance est tardive ;
- l’article L. 1424-18 du code général des collectivités territoriales n’interdit pas la subvention au SDIS pas davantage que la loi du 3 mai 1996 ;
- la clause générale de compétence donne une base légale à l’acte attaqué ;
- l’annulation prononcée ne concerne que le terrain et pas la mise à disposition du terrain.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2017 et 16 septembre 2019, M. F... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge solidaire de la COPAVO et du SDIS de Vaucluse une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la jurisprudence Tarn-et-Garonne n’est pas applicable ;
- les requêtes d’appel du SDIS et de la COPAVO sont irrecevables dès lors qu’ils n’avaient pas la qualité de partie en première instance ;
- les autres moyens soulevés par le SDIS de Vaucluse ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés les 1er août 2017 et 24 juin 2019, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Vaucluse, représenté par Me B... a présenté des observations.
La requête a été communiquée le 21 août 2017 à la commune de Vaison-la-Romaine qui n’a pas produit de mémoire.
II - Sous le n° 17MA03559, par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er août 2017 et 21 décembre 2018, le service départemental d’incendie et de secours de Vaucluse, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement 1er juin 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. F... A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a qualité de partie à l’instance ;
- la demande de première instance est irrecevable par application de la jurisprudence Tarn-et-Garonne ;
- l’injonction est irrégulière dès lors qu’il appartenait seulement au tribunal de renvoyer au juge du contrat les mesures d’exécution ;
- l’article L. 1424-18 du code général des collectivités territoriales n’interdit pas la subvention au SDIS pas davantage que la loi du 3 mai 1996 ;
- la clause générale de compétence donne une base légale à l’acte attaqué ;
- le transfert de la compétence incendie et secours est à cet égard sans influence.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2017 et 16 septembre 2019, M. F... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge solidaire de la COPAVO et du SDIS de Vaucluse une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la jurisprudence Tarn-et-Garonne n’est pas applicable ;
- les requêtes d’appel du SDIS et de la COPAVO sont irrecevables dès lors qu’ils n’avaient pas la qualité de partie en première instance ;
- les autres moyens soulevés par le SDIS de Vaucluse ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la COPAVO et à la commune de Vaison-la-Romaine qui n’ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. A..., de Me D... représentant la communauté de communes Pays Vaison Ventoux, et de Me B..., représentant le SDIS de Vaucluse.
Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 30 septembre 2019 dans les deux affaires.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du conseil municipal du 15 septembre 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vaison-la-Romaine a décidé de participer au financement d’une nouvelle caserne de pompiers à vocation intercommunale. Le service département et de secours de Vaucluse et la communauté de communes pays Vaison Ventoux (COPAVO) relèvent appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal a annulé la délibération du conseil municipal, du 15 septembre 2014, en tant qu’elle a approuvé la participation financière de la commune de Vaison-la-Romaine au financement d’une nouvelle caserne de pompiers à vocation intercommunale, enjoint à la commune de Vaison-la-Romaine, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, de mettre en œuvre toutes mesures permettant d’obtenir, dans ce même délai, la restitution effective des sommes versées.
Sur la jonction :
2. Les affaires n° 17MA03280 et 17MA03559 sont afférentes à une même délibération et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une même décision.
En ce qui concerne l’affaire n° 17MA03559 :
Sur la recevabilité de l’appel :
3. Le SDIS de Vaucluse, bénéficiaire de la subvention accordée par la délibération attaquée, avait la qualité de partie en première instance, et a d’ailleurs défendu ladite délibération. Il a qualité pour faire appel du jugement qui l’a annulée. La fin de non-recevoir opposée en défense ne peut qu’être écartée.
Sur la nature de l’acte attaqué, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres motifs d’irrecevabilité de la demande de première instance :
4. Une décision qui a pour objet l’attribution d’une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire ; de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu’ils aient en particulier pour objet la décision même de l’octroyer, quelle qu’en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d’octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l’excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d’un intérêt leur donnant qualité à agir.
5. Si la convention conclue en application de la délibération attaquée n’a pas été prise en vertu des dispositions de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000, elle se borne à prévoir les modalités de la mise à disposition du terrain octroyé par la ville au SDIS et les modalités de versement de la subvention. Il en résulte que cette délibération peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et que la fin de non-recevoir fondée sur l’application de la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat ne peut qu’être écartée.
Sur le fond :
6. Aux termes de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. ». La contribution de la commune de Vaison-la-Romaine à la construction de la nouvelle caserne de pompier revêt un intérêt communal, et pouvait, par suite, être régulièrement attribuée sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales alors même que l’article L. 1424-12 du code général des collectivités territoriales prévoit : « le service départemental d’incendie et de secours construit, acquiert ou loue les biens nécessaires à son fonctionnement ». C’est donc à tort que le tribunal administratif de Nîmes a annulé ladite délibération en raison de son défaut de base légale.
7. Il appartient à la Cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif et la Cour.
8. La circonstance invoquée par M. A... que la commune aurait transféré ses compétences en matière d’incendie et de secours ne prive pas la délibération en cause de son caractère d’intérêt communal. Contrairement à ses affirmations, ce transfert n’interdit pas la commune d’apporter une subvention au projet en cause, et ne « la dessaisit pas de toute possibilité de verser une subvention au SDIS ». Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 5214-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ne peut qu’être écarté.
9. La convention et la délibération mentionnent que le terrain sera affecté par la commune, et si la convention précise que le financement dudit terrain sera assuré par la commune et la COPAVO, il n’en résulte, contrairement aux affirmations de M. A..., aucune contradiction entre la délibération attaquée et le projet de convention qui y est annexé. Le moyen tiré de la contradiction entre ces deux actes ne peut qu’être écarté.
10. Aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ». Les élus ont été suffisamment informés, tant par le rapport du maire préalablement transmis et valant note de synthèse, qu’avec l’ordre du jour du conseil municipal du 15 septembre 2014. L’objet de la convention et de la délibération est la participation de la commune et de la communauté de commune à la construction d’une caserne. A ce stade, la circonstance que les conseillers municipaux n’aient pas été informés des caractéristiques du terrain devant servir d’assiette au projet est sans effet sur la légalité de la délibération attaquée qui n’avait pas pour objet d’autoriser l’achat d’un terrain particulier, mais seulement le principe de la mise à disposition par la commune.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le service d’incendie et de secours est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a partiellement annulé la délibération du 15 septembre 2014.
En ce qui concerne l’affaire n° 17MA03280 :
12. La présente décision annule le jugement du 1er juin 2017 et rejette les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Nîmes, donnant ainsi entièrement satisfaction à la requête d’appel de la COPAVO, qui perd ainsi son objet. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.
Sur les frais des litiges :
13. Les dispositions de l’article L. 761-1 s’opposent à ce qu’il soit mis une somme à la charge du SDIS de Vaucluse, qui n’a pas la qualité de partie perdante à l’instance. Il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre une somme à la charge ni de M. A..., ni de la COPAVO.
Décide :
Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement du 1er juin 2017 du tribunal administratif de Nîmes sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. A... de première instance et d’appel dans l’affaire n° 17MA03559 sont rejetées.
Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur l’affaire n° 17MA03280.
Article 4 : Les conclusions fondées sur les dispositions de l’article L. 761-1 du SDIS de Vaucluse et de la COPAVO sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à la commune de Vaison-la-Romaine, au service départemental d’incendie et de secours de Vaucluse et à la communauté de communes pays Vaison Ventoux.
Référence : Arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille n° 17MA03280 du 14 octobre 2019.
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